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Réflexion sur les débuts d'Internet en Côte d'Ivoire : entre passion associative et récupération étatique

  • 22 avr.
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 2 mai

L'adage "Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude" prend tout son sens lorsque l'on examine l'histoire d'Internet en Côte d'Ivoire et le rôle qu'y a joué l'État. Cet adage, signifiant simplement qu'on ne peut tirer avantage d'une faute que l'on a soi-même commise, s'applique tant aux individus qu'aux organisations, y compris, comme nous allons le voir, à l'État ivoirien.


Proverbe
On ne peut tirer avantage d'une faute que l'on a soi-même commise.

L'aventure Internet en Côte d'Ivoire débute en 1996. Aux côtés des premiers fournisseurs d'accès comme Africaonline Côte d'Ivoire et Afnet, de jeunes Ivoiriens passionnés se lancent dans l'entrepreneuriat, créant des services liés au web. Si de nombreuses initiatives n'ont pas survécu aux difficultés de l'écosystème entrepreneurial ivoirien, d'autres, comme Assistweb (qui rejoindra plus tard le groupe AOS), ont persévéré grâce à la détermination de leurs fondateurs.


C'est dans ce contexte foisonnant qu'émerge l'ONG FRANCONET, une association ivoirienne dédiée à la promotion d'Internet en Afrique. Composée d'étudiants d'Afrique francophone, elle inaugure en décembre 1999 un point d'accès public à Internet : le Cyber Alloco. Installé au centre culturel français d'Abidjan (Plateau), cet espace met une dizaine d'ordinateurs connectés à disposition d'un public nombreux, désireux de s'initier au web sous la guidance des animateurs de l'association. Le succès est tel qu'il faut souvent patienter pour accéder à une machine. C’est la première initiative à proposer le tarif défiant toute concurrence de 500 Fcfa pour une heure de connexion; la moyenne à cette époque étant de 15000 Fcfa par heure.


Maillage internet

FRANCONET poursuivait deux objectifs clairs :

  1. Démocratiser l'accès aux "inforoutes" et promouvoir les bonnes pratiques numériques, notamment en milieu éducatif.

  2. Informer et fournir un soutien technique et matériel minimal aux professionnels et organismes prêts à "coloniser les vastes espaces du cyberspace".


Le Cyber Alloco était l'aboutissement concret d'initiatives antérieures au succès retentissant : l'"Internet Tour", qui avait parcouru universités et grandes écoles, et la première "Fête de l'Internet" en Côte d'Ivoire. Ces événements furent une révélation pour de nombreux élèves et étudiants, leur faisant découvrir pour la première fois l'informatique, Internet et leur immense potentiel.



Financement

Pour financer l'Internet Tour et la Fête de l'Internet, FRANCONET a multiplié les démarches auprès d'entités publiques et privées. Au niveau de l'État, notre interlocuteur principal était la Direction de l'information et des nouvelles technologies du Ministère de l'Enseignement Supérieur. Que de fois avons-nous attendu dans les bureaux du Plateau, nous contentant souvent de "Blissi Tebile" (bananes braisées et arachides) pour déjeuner, et devant rentrer à pied, faute de moyens, jusqu'à nos quartiers respectifs – la Riviera 3 pour mon frère et mentor Alain N'ZI (paix à son âme) et moi-même.


Malgré des ressources très limitées, incluant une participation minimale du Ministère de l'Enseignement Supérieur et donc de l'État, nous avons relevé le défi. Nous avons offert à la Côte d'Ivoire l'une des Fêtes de l'Internet les plus réussies jamais organisées en Afrique.


Cependant, face au succès populaire de l'événement, à l'engouement suscité et à la manne financière potentielle que cela représentait, le Gouvernement a pris une décision lourde de conséquences : il a décidé de confier désormais l'organisation de la Fête de l'Internet directement au Ministère de l'Enseignement Supérieur. Cette mainmise perdurera jusqu'à la création ultérieure des ministères dédiés au numérique.

Récupération

Passion contre Intérêt : Les conséquences d'une vision détournée


Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui déplorent les dérives liées à l'utilisation d'Internet et des réseaux sociaux. Mais pouvait-il en être autrement lorsque l'on choisit de financer des structures à vocation lucrative sous couvert d'organisations à but non lucratif pour gérer de tels événements ? L'objectif initial d'éducation aux bonnes pratiques, porté par la passion des pionniers, a été progressivement relégué au second plan. Désormais, les budgets alloués à la Fête de l'Internet se chiffrent en centaines de millions, voire en milliards de francs CFA, mais l'esprit originel semble perdu.


Broutage

"Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude". L'État, qui se plaint aujourd'hui des mauvais usages, récolte peut-être les fruits d'une stratégie qui a privilégié l'appropriation et le potentiel gain financier sur le soutien désintéressé aux initiatives citoyennes et éducatives. Le rôle de l'État devrait être d'accompagner et de soutenir, non de s'accaparer les initiatives au risque d'en dévoyer les objectifs au profit d'intérêts particuliers.


Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à tous les membres de FRANCONET, à Christian Roland et Haidara Sheiq, associés chez AOS, à tous les "pères et mères" d'Internet en Côte d'Ivoire, et à l'ensemble des pionniers qui ont porté ces grandes révolutions numériques et associatives.


L'aventure continue.


Deuxième Secrétaire Général à l'organisation

Chargé des universités et des grandes écoles

ONG FRANCONET

Consultant digital & IA pour le microstructures



Outils numériques

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